Vous qui avez soutenu notre projet en votant pour nous dans le cadre du budget participatif de la Région, « l’Occitanie ouverte sur le monde », vous devez vous demander où nous en sommes, post confinement, au temps du COVID-19.

C’est grâce à vous que nous sommes arrivés dans les premiers et nous vous en sommes reconnaissants. Malheureusement, le virus est passé par là. La première session de formation de nos amis sud-africains à Montestruc avait dû être repoussée par deux fois. La Région ne nous avait pas abandonnés pour autant et en septembre 2020, les journalistes et cameramen avaient débarqué chez nous pour faire le point et nous donner un coup de pouce supplémentaire pour que ce projet qui nous tient tant à cœur ici à la Ferme enchantée puisse se concrétiser en 2021. En fait la formation n’a pas eu lieu à Montestruc mais en Afrique du Sud en septembre/octobre de l’année passée, les conditions de voyage des sud-africains ne le permettant pas encore.

Origine du projet

Il y a maintenant quelques années, partis un peu par hasard pour des vacances en Afrique du Sud, à l’invitation d’ami·e·s que nous n’avions pas revu·e·s depuis très longtemps, nous avons été éblouis par ce pays, la beauté de ces vastes paysages si différents des nôtres, avec une faune et une flore qui sont des plus riches du monde et largement préservées et dont les Sud-Africains sont si fiers. Ainsi dans les parcs nationaux il est interdit de jeter quoi que ce soit y compris un trognon de pomme pour éviter d’introduire des espèces envahissantes. Pour ce faire il n’y a pas une seule poubelle dans les parcs et cela fonctionne très bien. Les Sud-Africains sont très respectueux en ce qui concerne la réglementation.

Seulement voilà, nous avons aussi constaté que ce pays, après la fin de l’apartheid avec l’arrivée de Mandela n’avait pas réussi à diminuer les inégalités économiques, bien au contraire. Et nous avons trouvé choquant de voir que les townships continuaient de croître autour des villes, grandes et petites. Ainsi les lieux touristiques ne sont fréquentés que par les blancs et une toute petite minorité de noirs.

Du coup nous avons essayé d’en savoir plus et nous avons fait un deuxième puis un troisième voyage, invités cette fois par des syndicalistes ouvriers agricoles de la région du Cap Occidental et nous avons pu partager avec eux la réalité de leur vie dans les townships, où des millions de personnes survivent tant bien que mal, au manque d’eau courante, à la malnutrition, en gros à la misère. Pour ces millions de personnes la fin de l’apartheid n’a rien changé à leur vie, sinon la liberté de mouvement, rien changé non plus aux divisions raciales puisque même les bidonvilles sont organisés selon la couleur de peau, situation héritée de la hiérarchie instituée en 1945 : blancs, colorés (métisses, personnes d’origine indienne ou asiatique), noirs.

Il n’y a pas eu de réforme agraire, toujours repoussée à plus tard par les différents gouvernements. Il faut savoir que les fermes là-bas peuvent s’étendre sur des dizaines de milliers d’hectares et sont presque exclusivement aux mains des anciens colonisateurs, d’origine française, hollandaise, britannique, allemande et que par conséquent les ouvriers agricoles qui y travaillent ont un statut à peu près équivalent au servage tel qu’il existait en Europe. Certes ils sont « logés » dans des cabanes insalubres mais paient un loyer et doivent s’approvisionner à la boutique du fermier puisque bien entendu ils n’ont pas de transport pour se déplacer.

Les syndicats agricoles lorsqu’ils sont autorisés, tentent depuis quelques années d’aider ces populations à reprendre leurs destinées en main en encourageant et soutenant certaines initiatives visant à créer des zones de maraîchage dans les bidonvilles que les femmes grappillent mètres par mètres sur les terres municipales. Ce sont souvent les femmes qui sont à la pointe de combat car les hommes sont eux à l’usine, occupés à conditionner les jus de fruits ou les raisins de table, ou fabriquer du vin destiné à l’exportation.

Reinette sur sa parcelle avec François

Cette situation nous a beaucoup émus et lorsque l’ONG sud-africaine TCOE (Trust for Community Outreach and Education) s’est intéressée à nos méthodes de culture et d’élevage, nous leur avons proposé de venir nous voir ici dans le Gers puis nous avons décidé de travailler ensemble pour élaborer un programme de formation, d’aide, d’échange et d’entraide pour divers projets pilotes dans la région du Cap Occidental. Ce projet, qui fait plusieurs dizaines de pages, nous vous le ferons découvrir dans les semaines et mois à venir.

Mercia et Lungisa, co-directrices de TCOE

La situation fin 2021

Depuis l’arrivée de ce satané virus, la situation sanitaire et sociale s’est dégradée. En Afrique du Sud, où le chômage était déjà à 25 %, la situation s’est très rapidement détériorée malgré les mesures de confinement très strictes prises immédiatement par le gouvernement. La misère et la faim se sont généralisées dans les milieux les plus pauvres. Très vite, ONGs, fondations caritatives et syndicats agricoles ont dû mettre en place en urgence des distributions de nourriture, en particulier dans les milieux ruraux et encourager en même temps la résilience des habitants en les aidant à cultiver là où c’est possible pour pouvoir se nourrir. C’est ainsi qu’un énorme mouvement de solidarité s’est développé dans un des pays les plus riches d’Afrique mais qui tient aussi le record mondial des inégalités.

François et Virignia devant les graines apportées pour les partager

Programmés pour un voyage au mois de janvier 2021, nous avons dû encore une fois y renoncer en raison des restrictions de voyage. Devant ces complications, d’un commun accord avec l’ONG du Cap, la venue de paysans sud-africains à Montestruc sera annulée une nouvelle fois.

Par contre, les restrictions de voyage côté français ayant été levées, au mois de septembre 2021, deux d’entre nous y sont allés pour démarrer une formation directement là-bas pour un voyage de plusieurs semaines.

Mercia, co-directrice de TCOE, avec Marc et François

Nous avons trouvé le pays bien changé depuis notre dernière visite : aggravation de la pauvreté, taux de chômage extrêmement élevé, jusqu’à 55 % de la population avec son corollaire, la malnutrition pour beaucoup.

Ce séjour de près de six semaines nous a permis d’approfondir nos connaissances sur le pays et surtout de mesurer l’ampleur de la tâche. En effet, encore plus qu’ici, la production agricole y est totalement industrialisée et dédiée à l’export. De plus, la quasi totalité des terres reste aux mains des blancs et le gouvernement, propriétaire de nombreuses terres arables rechigne à relancer la redistribution. S’il le fait c’est pour des projets à grande échelle calqués sur le modèle des immenses exploitations agricoles, des business orientés sur l’export.

Mais cette dernière visite, si elle a été un révélateur des nombreuses difficultés pour ceux qui souhaitent travailler la terre, a aussi mis en lumière l’incroyable résilience des Sud-Africains à organiser la solidarité et tenter malgré tout d’aller de l’avant.

Finalement au pied levé nous avons pu organiser une formation sur place et c’est ce que nous vous raconterons dans notre prochain billet.

Temelo, Virginia, John et Marc
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